L’addiction dans le couple : comprendre, affronter et accompagner ensemble
- Stéphanie Neri
- 21 juil.
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 sept.

Vivre avec une addiction est un combat, mais faire face à l’addiction d’un partenaire transforme la vie de couple en terrain miné où chaque pas peut sembler risqué. Alcool, drogues, comportements compulsifs : ces dépendances bouleversent profondément l’équilibre, la complicité et le quotidien des deux partenaires. Si la souffrance de la personne dépendante est évidente, celle de l’entourage l’est souvent tout autant, bien que plus silencieuse.
Cet article propose une traversée complète de la problématique : origines, mécanismes, conséquences, erreurs fréquentes, conseils concrets et apports de la thérapie de couple, afin de vous donner les ressources nécessaires pour avancer.
1. Qu’est-ce que l’addiction ? Dépasser les préjugés
L’addiction n’est pas un simple manque de volonté, ni un défaut moral : c’est une pathologie reconnue, affectant le cerveau et les capacités de gestion des émotions. Qu’il s’agisse d’alcool, de drogue ou même d’habitudes comme le jeu, le sexe ou les écrans, la dépendance naît d’une impossibilité de contrôler une consommation/comportement malgré ses conséquences néfastes.
Le saviez-vous ?
L’addiction touche le circuit de la récompense du cerveau, donnant à la substance ou au comportement un pouvoir apaisant, une illusion de soulagement face à un malaise profond ou à des difficultés existentielles non résolues.
Elle concerne toutes les classes sociales et touche des millions de personnes, hommes comme femmes, jeunes et moins jeunes.
Les rechutes font partie intégrante du processus, signe qu’il s’agit d’une maladie chronique, pas d’un caprice.
Exemples d’addictions :
Addictions aux substances | Addictions comportementales |
Alcool, drogue, tabac | Jeux d’argent, sexe, écrans, pornographie |
2. Les impacts de l’addiction : une onde de choc sur tous les domaines de vie
Sur la personne dépendante
Santé mentale et physique : Troubles du sommeil, anxiété, dépression, affaiblissement du système immunitaire.
Estime de soi : Honte, sentiment d’échec, perte de contrôle sur la vie quotidienne.
Isolement : Retrait progressif de la sphère sociale, évitement du partenaire et des proches.
Sexualité : Diminution du désir, troubles sexuels, détérioration de l’intimité.
Sur le partenaire et le couple
Épuisement : Le partenaire non-addict s’épuise à « sauver » l’autre, s’adapte aux conduites, vit dans l’attente d’une amélioration qui tarde à venir.
Perte de confiance : Mensonges, promesses non tenues, cachotteries détruisent le lien de confiance et instaurent un climat de suspicion permanent.
Communication rompue : Les discussions s’enveniment ou disparaissent, laissant place au silence ou à la rancœur.
Sentiment d’impuissance et culpabilité : Beaucoup de conjoints se sentent responsables de la situation, oscillant entre la colère et une profonde tristesse.
Problèmes financiers : La consommation peut coûter cher, mener à des dettes, mettre le foyer en situation de précarité.
Risque de violence ou d’abus : Dans certains cas, l’addiction accentue l’agressivité, favorise des comportements violents.
Le quotidien finit par tourner autour de la dépendance, tous les projets sont affectés, les enfants (le cas échéant) peuvent en souffrir indirectement.
3. Pourquoi les tentatives du partenaire échouent-elles souvent ?
Les proches, par amour ou désespoir, multiplient les tentatives d’aide, souvent sans effet durable, ce qui accentue leur frustration.
Ce qu’on fait le plus souvent (et qui ne marche pas) :
Interdire la consommation ou exiger l’arrêt immédiat : Ces injonctions ne font qu’encourager le secret, mensonges et disputes. L’addict, privé d’une ressource pour calmer sa souffrance, se referme.
Contrôle et surveillance : Installer des barrières, vérifier les faits et gestes du partenaire transforme la dynamique du couple : le partenaire aidant devient « parent » ou « policier », ce qui avilit la relation.
Consommer ensemble : Parfois, on pense accompagner l’autre ou créer du lien en consommant, mais cela ne fait qu’aggraver la dépendance et la culpabilité.
Ultimatums ou chantage affectif : Poser la question « c’est moi ou la drogue ? » est inopérant : la personne dépendante n’a, à ce stade, plus la capacité de choisir.
Rôle de Sauveur : S’épuiser à porter seul la lourdeur du problème, à chercher des solutions au nom de l’autre, au risque de sa propre santé physique, émotionnelle, et parfois de ses enfants.
4. Ce que vit le partenaire non-addict (Le cercle de la co-dépendance)
À force de s’adapter, le partenaire glisse dans la co-dépendance : il organise son quotidien autour de la problématique de l’autre, normalise l’inadmissible et s’oublie.
Signes évocateurs :
Hypervigilance : surveiller constamment, anticiper les crises.
Isolement social : ne pas vouloir en parler par honte ou peur de stigmatiser l’autre.
Auto-culpabilité : croire être responsable des rechutes ou de l’incapacité du partenaire à se soigner.
Sacrifice de ses besoins : reporter ou nier ses propres désirs, loisirs, santé.
Le partenaire non-addict peut développer fatigue chronique, anxiété, troubles du sommeil, burnout parental, voire même des symptômes dépressifs. Son isolement et sa souffrance sont réels.
5. Comment agir ? Conseils et pistes pour se protéger et soutenir l’autre
Se documenter et comprendre la maladie
Prendre le temps de se renseigner sur le fonctionnement de l’addiction, ses causes, ses conséquences et ses traitements aide à rompre l’isolement et à sortir de la culpabilité. Comprendre que l’addiction n’est pas un choix, mais une souffrance, remet les enjeux à leur juste place.
Accueillir la réalité émotionnelle
Oser exprimer ses émotions sans accuser ni juger : utiliser les « je ressens », nommer la tristesse, la peur ou la colère.
Reconnaître que l’on ne contrôle pas l’autre : le chemin de guérison doit émaner du désir profond du partenaire.
Protéger sa santé mentale
Prendre soin de soi est fondamental pour tenir sur la durée : consulter seul(e) un thérapeute, rejoindre des groupes d’entraide comme Al-Anon ou Nar-Anon, s’ouvrir à des proches de confiance.
Poser clairement ses propres limites : ce qui est inacceptable dans la relation (violence, mise en danger des enfants, etc.).
Favoriser un dialogue authentique
Préférer toujours la franchise à la menace ou à la dissimulation.
Encourager, sans forcer : suggérer une aide professionnelle, accompagner mais ne pas s’épuiser à « vouloir pour l’autre ».
Savoir reconnaître ses limites
Parfois, malgré tout l’amour du monde et toutes les démarches entreprises, la situation ne s’améliore pas. Il est alors légitime de se retirer, temporairement ou définitivement, pour préserver sa santé ou celle de sa famille.
6. Le rôle de la thérapie de couple face à l’addiction
Travailler avec un(e) thérapeute de couple permet de :
Proposer un lieu d’écoute inconditionnelle, bienveillant et dénué de jugement.
Exprimer les attentes, les blessures, les besoins profonds de chacun.
Décrire l’histoire de l’addiction, sa place dans la vie du couple, ses déclencheurs (ennui, disputes, lieux, publicités, etc.).
Réfléchir ensemble à l’impact de la dépendance (sexualité, estime, lien, finances, etc.).
Imaginer une vie possible sans addiction : « Comment serait notre couple ? »
Travailler sur la mise en place d’objectifs atteignables, valoriser les progrès, apprendre à accueillir les émotions au lieu de fuir ou de les refouler.
Pour le partenaire : sortir de la culpabilité, ne pas s’infantiliser, redevenir adulte et acteur de la relation.
Pour l’addict : pointer les obstacles à dépasser (traumatismes, blessures d’enfance, sentiment d’insécurité affective…), se reconnecter à son corps, apprendre à accueillir les envies plutôt que de les fuir.
La thérapie de couple agit comme un « tiers » facilitateur du dialogue et réinstaure la relation sur des bases saines, tout en orientant, si besoin, vers d’autres professionnels spécialisés (addictologues, groupes de parole, associations, hôpitaux).
7. Orientations spécifiques et solutions d’aide
Pour la personne dépendante : Ne pas hésiter à consulter un médecin, addictologue, psychologue ou psychiatre. Des groupes spécifiques (AA, NA, etc.) offrent écoute et entraide solide.
Pour l’entourage : Groupes Al-Anon (alcooliques), Nar-Anon (drogues) pour partager son expérience et son ressenti en toute confidentialité.
Centres spécialisés : De nombreux dispositifs hospitaliers ou associatifs existent pour la prise en charge des dépendances.
Travail sur la co-dépendance : Psy, thérapeute, accompagnement spécifique pour dénouer les schémas de répétition et retrouver une autonomie émotionnelle.
8. Quand envisager une séparation ou une mise à distance ?
Lorsque la violence s’installe, que l’intégrité (physique, psychique) de l’un ou des enfants est en danger, il est crucial d’envisager la séparation, temporaire ou non. La priorité doit toujours rester la protection des plus vulnérables et la préservation de soi. Ce choix, loin d’être un échec, peut représenter un acte de courage et de bienveillance envers soi-même.
9.Gérer l’addiction devant les enfants : préserver, expliquer, agir
La présence d’une addiction au sein du couple impacte inévitablement les enfants, même lorsque l’on pense les préserver. Ils perçoivent les tensions, les changements d’humeur, les absences ou les excès de l’un de leurs parents. Il est essentiel d’adopter une démarche consciente pour limiter les conséquences de la dépendance sur leur développement et leur bien-être émotionnel.
Voici quelques repères pour mieux gérer cette question délicate :
Protéger l’environnement des enfants : Évitez toute exposition directe à la consommation (alcool, drogue, comportements compulsifs) ou aux conflits associés. Si cela n’est pas possible, il est crucial de consulter un professionnel pour évaluer les risques et trouver des solutions de mise à distance temporaire ou de séparation protectrice.
Parler avec des mots adaptés à l’âge : Les enfants ressentent les non-dits et s’inquiètent souvent plus qu’on ne le croit. Sans entrer dans les détails, il est important de leur expliquer que leur parent traverse des difficultés, qu’ils n’en sont pas responsables, et qu’ils ont le droit d’exprimer leurs émotions ou leurs craintes.
Donner des repères et de la stabilité : Malgré la crise, conservez autant que possible des routines et des temps de partage sécurisants. Cela aide l’enfant à se sentir contenu et rassuré.
Chercher du soutien : N’hésitez pas à vous appuyer sur des spécialistes (psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs) ou des structures d’écoute dédiées aux enfants et familles confrontés à l’addiction. Certains dispositifs proposent même un accompagnement spécifique pour les enfants touchés par la souffrance d’un parent.
Travailler sur la culpabilité et la loyauté familiale : De nombreux enfants croient pouvoir « sauver » leur parent ou se sentent coupables de la situation. Un accompagnement professionnel peut permettre de libérer la parole et d’empêcher l’installation de schémas de ressentiment, de peur ou de honte chez l’enfant.
Prévenir les répercussions de l’addiction sur les plus jeunes, c’est investir dans leur avenir psychique et affectif, et parfois, c’est aussi le premier pas vers la décision de se faire aider. Accepter de ne pas être seul face à cette difficulté protège toute la famille.
Conclusion : sortir de l’isolement, accepter l’aide, reconstruire
L’addiction dans le couple est une blessure profonde, qui génère souffrance, incompréhension et solitude. Pourtant, ce n’est pas une fatalité : il est possible d’en sortir, de se réparer, de sauver la relation ou, à minima, de se retrouver soi-même.
En tant que thérapeute de couple, je vous propose un espace confidentiel, bienveillant et respectueux de la singularité de votre histoire. Sur rendez-vous, je vous aide à y voir plus clair, à comprendre vos ressentis et besoins, à restaurer la communication avec votre partenaire. Ensemble, nous trouverons des pistes concrètes pour desserrer l’étau de la dépendance, préserver la relation quand c’est possible, ou se reconstruire quand cela s’avère nécessaire.
N’hésitez pas à me contacter pour un premier entretien, poser vos questions ou engager un accompagnement adapté à votre situation. La première étape vers le changement commence souvent par une parole déposée, écoutée et accueillie.
Prendre soin de soi, c’est aussi prendre soin de l’autre et du couple. Osez vous entourer, osez demander de l’aide. Le chemin de la reconstruction est possible, même après l’orage.
Groupes d’entraide Al-Anon et Nar-Anon à Montpellier
Si vous êtes confronté à l’addiction dans votre entourage et souhaitez rejoindre un groupe d'entraide à Montpellier, voici les principales informations utiles pour les groupes familiaux Al-Anon (proches d’alcooliques) et Nar-Anon (proches de personnes dépendantes aux drogues) :
Groupe Al-Anon Montpellier
À qui s’adresse-t-il ?
Destiné aux conjoints, parents, enfants, amis des personnes souffrant d’alcoolisme.
Jour et horaire
Réunion chaque jeudi à 20h15
Lieu
Local associatif Simone de Beauvoir39 rue François d'Orbay (ou d'Orbay), 34080 Montpellier (Quartier Celleneuve)Tram ligne 3 ou bus ligne 10, arrêt Celleneuve
Contact
Téléphone : 07 69 62 36 51
Email : alanon.montpellier@gmail.com
site: https://www.al-anon-alateen.fr/reunion/al-anon-montpellier-celleneuve/
Ce groupe existe depuis 1975 et s’adresse à tous ceux qui sont ou ont été profondément affectés par la consommation d’alcool d’un proche. Les réunions se déroulent dans un esprit d’entraide, de respect et d’anonymat.
Groupes Nar-Anon Montpellier
À qui s’adresse-t-il ?
Conjoints, parents, amis ou proches de personnes souffrant de dépendance aux drogues.
Fonctionnement
Nar-Anon propose des groupes d’entraide basés sur l’écoute et le partage.
Les informations sur les groupes locaux sont centralisées au niveau national et certains groupes organisent des réunions en ligne accessibles à tous.
Pour obtenir la liste et les coordonnées des groupes actifs
Consultez : https://naranonfrance.wordpress.com/reunions-nar-anon-france/
Ou la page officielle Nar-Anon France : https://www.nar-anon.org/france
À ce jour, il n’existe pas systématiquement un groupe physique Nar-Anon réuni chaque semaine à Montpellier, mais le site national publie la liste actualisée des groupes actifs et indique les créneaux en présentiel ou en visioconférence. Les groupes sont ouverts à toutes les personnes concernées par la dépendance d’un proche et respectent l’anonymat de chaque participant.
Participer à un groupe d’entraide permet de rompre l’isolement et de trouver des outils concrets pour mieux vivre la situation, dans un climat respectueux du vécu et du rythme de chacun.
N’hésitez pas à pousser la porte, l’écoute bienveillante et l’anonymat font partie intégrante de ces rencontres.



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